C?était il y a un peu plus de vingt ans. Je n?avais pas encore de cheveux blancs ni cette imposante bedaine qui me donnent l?allure d?un pépère rond-de-cuir... Ma femme et les enfants venaient de partir en vacances, j?étais seul pour quelques jours, bloqué à Paris par mon travail. Il n?est pas dans mon caractère de profiter outre mesure de ce genre de situation, mais je comptais bien quand même trouver l?occasion de quelque aventure sympa.
En prenant mon temps, pour une fois. Faire l?amour sans regarder sa montre. Je sais, j?entends déjà les puritains hurler à la mort. « Voilà bien les honteuses qui disent à leur femme aller chercher un paquet de cigarettes et en profitent pour tirer leur coup vite fait dans quelque lieu sordide, et elles se prétendent libre ! » C?est vrai, ce fut souvent mon lot.
Malheureusement pour moi, je ne suis pas de ces bellâtres qui lorsqu?ils apparaissent, n?ont qu?à claquer des doigts pour voir se précipiter à leurs pieds tous les minets du coin. (Ceux là même qui se hurlent libres, voire libertaires...) Je n?avais pourtant pas envie de passer des soirées et des nuits dans des boîtes enfumées, à entendre des discos hurlants que l?on nomme parait-il de la musique. Pour finalement me contenter d?un p?tit coup également vite fait, peut-être un peu plus confortablement dans une voiture, voire dans une chambre, avec celui que l?on a choisi « par défaut », afin de ne pas rentrer bredouille...
La banlieue parisienne offre des tas de petits lieux de drague et de rencontre, généralement dans des endroits de grand passage. On jette un ?il, rien d?intéressant on repart, une personne éveille notre intérêt on s?attarde un peu... J?avais quelques courses à faire. Je choisis le grand centre commercial plutôt que le petit commerce du coin. Histoire de faire le circuit des 3-4 pissotières bien connues des habitués. Je n?ai pas eu le temps de faire un tour complet. Dès les premières toilettes confinées au fond d?un long couloir technique, un jeune style loubard était absorbé par la surveillance très sérieuse de sa miction qui se prolongeait. C?était le genre de mec que l?on n?aborde pas sans quelque appréhension. Pas très grand, mais magnifiquement baraqué, des cuisses puissantes moulées dans un jean un peu crade, un blouson de cuir mettant en valeur ses épaules et sa taille fine, il pouvait très bien être un truqueur ou un simple utilisateur innocent des toilettes publiques. Je me postais au lavabo, m?attardais à me recoiffer et à arracher les premiers poils blancs de ma petite barbe... Et ça se prolongeait... Je me décidais à aller aux urinoirs à côté de lui, regardant au plafond, l?air aussi innocent qu?un chien qui tourne autour d?un gâteau trop chaud sorti du four et mis à refroidir sur la fenêtre... Précautions ridicules et bien inutiles. Le mecton bandait comme un turc et ne se cachait pas. Je lui souris et ma main partit aussitôt à la découverte de ce qu?il offrait si généreusement à mon regard. Ces toilettes étaient bien isolées. On ne pouvait pas être surpris car on entendait très tôt les pas de ceux qui arrivaient.
Il avait ouvert son ceinturon, et mes caresses purent très vite s?égarer sur son ventre très plat et lisse, doux comme une peau de bébé. Je remontais jusqu?à ses pectoraux que je sentis fermes et bien dessinés. Il s?abandonnait à mes caresses, la tête en arrière, la bouche entrouverte, les yeux fermés. J?avais la gorge sèche, mes tempes tambourinaient, mes oreilles bourdonnaient. Ceux qui ont l?habitude de draguer qui ils veulent, qui n?ont d?autre question à se poser que « lequel je vais choisir ? », ne peuvent imaginer ce qu?éprouve un frustré doutant en permanence de lui, plus habitué à ramasser des vestes que des compliments, lorsque se trouve soudain à portée de sa main l?objet de ses rêves. Un affamé de plusieurs jours devant un baba au rhum...
Avec la crainte de se précipiter trop vite sur le gâteau, de l?avoir avalé avant de s?en être aperçu, ou de le faire tomber dans la poussière par un geste trop maladroit !
Je maîtrisait progressivement le tremblement de mes mains, j?essayais de mettre toute la douceur dont j?étais capable dans ces frôlements sensuels. Sa bouche entrouverte appelait par trop les baisers. J?osais m?approcher de son visage. Ce fut lui qui vint à ma rencontre, et il accueillit ma langue en me serrant dans ses bras à m?étouffer.
Ce n?était pas possible. Nous ne pouvions pas nous contenter d?attouchements rapides, appuyés au mur de toilettes publiques, l?oreille tendue vers d?éventuels bruits de pas... Son visage très viril, mais aux traits fins et réguliers, me souriait. Mon c?ur battait la chamade. Que faire ? Jusqu?à ce jour, je m?étais catégoriquement opposé à mélanger ma vie familiale et mes frasques marginales. A la rigueur, j?avais détourné quelque monnaie pour payer une chambre d?hôtel. Je n?étais jamais allé au delà. Mais là, aujourd?hui, l?hôtel me semblait exclu, car je n?étais pas du tout sûr que ce garçon soit majeur... Et puis je ne voulais pas mettre de limite à des enlacements si prometteurs... Mais si c?était un piège ? Si ce garçon trop beau pour moi s?avérait d?une moralité douteuse ? Si des copains planqués préparaient je ne sais quel traquenard ? J?hésitais un long moment, profitant de ce baiser bouleversant qui se prolongeait. Je n?avais pas le choix. C?était trop pour moi. L?inimaginable était peut-être en train de m?arriver. Je décidais de l?emmener chez moi.
Mehdi accepta sans hésiter ma proposition. Il était libre et n?avait aucune contrainte. Il était algérois, il venait d?arriver en vacances chez une s?ur qui habitait la banlieue. Il rêvait de venir vivre en France, mais ses parents s?y opposaient tant qu?il n?avait pas fini ses études. Le trajet jusqu?à mon domicile était très court, mais il me permit d?apprendre à le connaître. Effectivement, pour quelques mois encore je n?aurais pas pu l?emmener à l?hôtel, mais je me sentais maintenant en confiance. Il était « franc comme du bon pain », un peu paumé ici, dans la Région Parisienne, ce qui expliquait sans doute que j?ai pu être l?heureux élu. Quand il aurait plus d?expérience, ses choix seraient sans doute plus exigeants. De façon, je le reconnais, assez sadique, j?acceptais d?en profiter.
Aussitôt arrivés, nous nous jetons dans les bras l?un de l?autre. Entre deux baisers nos vêtements volent à travers la pièce. J?ai le souffle coupé par sa beauté. Son corps, totalement imberbe, ne semble avoir aucun défaut. Ses jambes musclées ont des attaches fines, chevilles, genoux, haut des cuisses sont merveilleusement dessinés. Son fessier, ferme et menu semble avoir été fait pour être recouvert de mes mains. Son ventre, ses abdos, sa poitrine appellent les baisers et les caresses. Son cou puissant et pourtant gracieux supporte un visage d?ange aux traits déjà bien affirmés. Mais surtout, mais le pire, c?est qu?il ne semble pas savoir qu?il est beau comme un dieu. Il y a en lui une étrange innocence, une pureté qui ne sont pas masquées mais plutôt mises en valeur par une évidente expérience des choses du sexe. C?est lui le premier qui prend en bouche mon sexe turgescent, qui dévore mes bourses, qui remonte vers mon ventre, ma poitrine, mordillant et tirant mes poils tout du long. Il s?amuse de ma pilosité. Un long baiser termine cette première passe, et je peux enfin partir à la découverte de ce corps admirable. Ma bouche et ma langue veulent explorer chaque millimètre de sa peau. Contrairement à ce qu?aurait pu laisser supposer son allure générale, il est très propre, un discret parfum musqué rend sensuel même le dessous de ses bras et ses parties plus intimes. IL s?abandonne à mes caresses, son sexe appelle ma bouche, ses gémissements accompagnent mon travail sur sa tige. Je reprends mon souffle. J?essaye de m?attarder. Je me dis que je dois profiter de chaque seconde, engranger des souvenirs, que ?quoi qu?il arrive- cette aventure sera toujours trop courte.
Il se met à plat ventre pour offrir son dos à mes caresses et à mes baisers. Ses dorsaux jouent sensuellement sous une peau fine et soyeuse. Mes mains englobent ses épaules noueuses et puissantes, suivent le parcours sinueux de ses bras abandonnés le long de son corps, remontent, passent devant titiller les mamelons en érection, suivent le V de son dos pour venir se reposer sur les hanches étroites. Ma langue remonte et descend le long du canal que dessine sa colonne vertébrale. Mes lèvres butent sur le bas de son dos, dans le creux de ses reins où une discrète touffe de poils fait la nique ou reste de son corps totalement imberbe...
Les lobes de ses fesses retiennent un long moment mon attention. Magnifiquement dessinés, avec chacun une adorable fossette où la pointe de ma langue aime à s?attarder, ils se crispent et se relâchent en réponse à mes caresses. Mes doigts, puis ma langue s?insinuent dans le pli intime. Ils s?ouvrent pour libérer l?accès à la rosette. La souplesse de sa corolle me révèle que d?autres avant moi ont pu lui rendre hommage... Mon c?ur bat la chamade. Est-ce possible ! Ce petit loubard dont je craignais au départ qu?il puisse être un truqueur, viril en diable, semble vouloir s?offrir à moi sans aucune restriction ! Je m?attarde, prépare avec tendresse ce petit trou offert. Ma langue tente l?ouverture. Il change de position pour mieux s?offrir à moi. Je lèche et re lèche cet orifice prometteur. Il gémit. Il m?attire à lui pour que je m?écrase sur son dos. Ma queue durcie à en être douloureuse trouve sans peine le chemin si généreusement ouvert. Je mordille son cou et ses épaules. Je ne sais plus qui je suis. J?essaye de calquer mes mouvements sur ses gémissements pour le conduire doucement et lentement au plaisir. Mais les émotions sont trop fortes. Moi qui maîtrise généralement bien la montée de mon orgasme, je sens que je ne pourrai tenir longtemps. Je ne contrôle plus mes râles et dans un souffle je le préviens que je vais jouir. « Moi aussi ! » me répond-t-il, et il empoigne sa queue, non pour se finir, mais pour mieux maîtriser ses spasmes qui accompagnent ma propre jouissance. Nous restons longtemps collés ainsi l?un contre l?autre. Ma queue doucement se retire seule de la gaine soyeuse. Mes mains jouent tendrement avec son torse merveilleux, essuyant la sueur qui a perlé sous ses pectoraux et entre ses abdominaux. Nous nous remettons face à face pour un long baiser apaisé...
Mehdi ne m?a pas quitté pendant une semaine. Enfin, je veux dire que nous avons passé toutes les soirées et toutes les nuits dans les bras l?un de l?autre. Je n?osais quand même pas le laisser seul chez moi. Quand je partais au travail, je le déposais en ville, il allait voir sa famille et faire ce qu?il avait à faire. Le soir il me rejoignait près de mon travail et nous rentrions ensemble. Chaque jour je tremblais et mon c?ur semblait vouloir s?arrêter à l?approche du rendez-vous. Chaque jour il était là, souriant, à m?attendre appuyé à ma voiture.
Je n?ai pas besoin de vous raconter dans quelles transes j?ai vécu cette semaine là. J?aurais voulu m?interdire absolument de penser. Mehdi était en vacances, c?était une rencontre fortuite et occasionnelle. Dans quelques jours j?allais rejoindre ma femme et mes enfants, et à mon retour il serait retourné à Alger. Je ne devais absolument pas m?attacher ni envisager une autre issue. J?avais toujours dit que rien ne me ferait quitter ma femme et mes enfants. Je leur devais trop. Qu?importait que je puisse souffrir ! J?avais choisi une voie, en connaissance de cause. Je m?y tiendrais...
Nous en parlions tous les deux. Il comprenait mes choix, les approuvait, puis partait dans de grandes crises de désespoir et de colère en disant qu?il ne voulait pas me quitter. Je soulignais la grande différence d?âge, qu?il avait toute la vie devant lui, et qu?un jour il tomberait amoureux d?un garçon de son âge...
Nous nous sommes quittés après avoir fait une dernière fois l?amour comme des fous. Après la promesse de la plus grande discrétion vis à vis de ma famille, il réussit à obtenir de moi un moyen pour correspondre et de garder le contact.
Et je suis parti...
Une année a passé. Mehdi m?envoyait de petits mots gentils où il me parlait de sa scolarité. Je jouais le paternaliste en lui donnant des conseils tellement sensés qu?il eut été préférable de ne pas en parler ... Maladroitement, je ne pouvais m?empêcher d?exprimer le désir de le revoir bientôt, de pouvoir à nouveau le serrer dans mes bras...
Lorsque je reçus sa lettre m?annonçant sa prochaine arrivée, égoïstement je ne pensais qu?à mon propre bonheur de le retrouver. Je ne me posais aucune question sur les motifs de son retour en France...
J?allais l?attendre à l?aéroport. Il se jetait littéralement à mon cou. J?oubliais tout en le retrouvant, en retrouvant son odeur, en emprisonnant son corps ferme et sensuel. Il n?avait guère changé. Peut-être un peu plus de maturité dans son regard, un peu plus d?amertume dans les plis de ses lèvres... Je l?emmenais boire un pot.
Le ciel m?est tombé sur la tête lorsqu?il m?apprit les motifs de son voyage. Il n?allait pas chez sa s?ur. Il venait d?être majeur, s?était disputé avec ses parents qui lui refusaient de venir vivre en France, et avait tout plaqué pour venir me rejoindre. Il n?avait que moi dans cette grande mégapole... Je ne voyais plus. Je n?entendais plus. Je ne savais plus ce que mes mains faisaient, ce que je buvais. J?étais littéralement assommé. J?étais venu retrouver un jeune amant en me promettant mille plaisirs intenses dans les jours à venir, et en quelques secondes je devais décider de mon avenir, de ma vie !
Comme beaucoup l?ont décrit lors d?accidents graves où la mort vous frôle, dans ces instants les pensées et la succession d?idées prennent une vitesse folle. En quelques secondes j?ai vu ma femme désespérée et refusant de vivre, mes enfants me maudissant et me haïssant, mon travail, voire mon statut social, remis en cause. J?ai vu Medhi devenant plus parisien que tous les parisiens, découvrant le milieu, les boîtes et les lieux de drague, devenant par sa beauté une des vedettes de ce microcosme égoïste et cruel. Je revoyais les mauvaises langues qui, il y a quelques années, avant mon mariage, ne cessaient de demander à mon jeune compagnon d?alors ce qu?il pouvait bien trouver à vivre avec un type comme moi, jusqu?à obtenir notre rupture...
J?imaginais être resté silencieux de longues minutes, mais tout ceci n?avait duré que quelques secondes... Je regardais Mehdi et entrepris de lui expliquer tout ce qui se cachait derrière sa brutale décision dont il ne m?avait pas prévenu. Je lui ai expliqué que j?étais profondément désolé d?avoir pu laisser espérer une telle suite à notre aventure. Que je n?avais ni les moyens ni l?envie d?entretenir un jeune amant dans le dos de ma famille. Que, quelle que soit ma souffrance actuelle, jamais je ne quitterais ma vie de couple, ni pour lui, ni pour aucun autre. Qu?il ne fallait pas qu?il reste à Paris, piège effroyable pour les garçons purs et propres comme lui. Qu?il devait faire machine arrière, reprendre contact avec ses parents, revenir en Algérie finir ses études.
Je ne pouvais pas le laisser tomber ainsi. Je l?emmenais dans un hôtel de la capitale, où je payais d?avance la chambre pour une semaine. Il avait ce temps là pour faire machine arrière et prendre contact avec sa s?ur.
Il a voulu faire l?amour, mais je m?y suis refusé. La rupture devait être franche et définitive. Je suis parti en le prévenant que j?allais très bientôt déménager et que je ne répondrais plus à ses lettres.
Combien me semblent plates et froides les phrases qui rendent compte du véritable séisme qui faillit bouleverser ma vie... Combien me semblent ridicules et vaines les phrases du type « Y-a-qu?à... », « Tu aurais dû... », « Moi, à ta place... »
Les années ont passé. Une vingtaine environ. Ma vie avait continué, j?avais plusieurs fois changé de métier et de logement. Mes enfants étaient adultes. C?était il y a quelques mois...
Un jour, pour une raison quelconque j?étais resté à la maison et je travaillais à mon bureau. Le téléphone sonne.
- « Allo, je suis bien chez M. Boby .... ?
- Oui, c?est moi...
- Vous êtes bien celui qui habitait il y a une vingtaine d?années à V... ?
- Oui ?...
- Vous avez connu à cette époque un certain Mehdi ?
- Mehdi ? C?est toi ? Ce n?est pas possible ?
- Si, si, c?est bien moi... Je suis content de te retrouver.
- Mais, comment as-tu fait ?
- (petit rire...)
- Ce n?était pas bien difficile, le minitel, la recherche systématique dans tous les départements de la banlieue... Tu n?es même pas sur liste rouge ! Depuis plusieurs jours j?essaye de t?appeler pendant les heures de classe, en espérant que tu serais seul chez toi. Aujourd?hui tu es là. Je voudrais te revoir... »
Je suis resté un long moment sans voix. Que se passait-il ? Sa recherche mûrement réfléchie, ses appels dans les moments où il savait ma femme être absente... Ce souvenir douloureux, si difficilement gommé tout au long des années... Et qu?était-il devenu ? Il devait avoir maintenant... Hé, pas très loin de la quarantaine ! En fait, à peu près l?âge que j?avais lorsque je l?ai connu... Comment était-il physiquement après toutes ces années ? Par expérience, je savais que ses compatriotes pouvaient être d?une exceptionnelle beauté dans leur jeunesse, et fort mal vieillir lorsqu?ils atteignaient la plénitude de l?âge... Mon silence doit être pénible...
- « Tu ne veux pas ?
- Pardonne-moi... Je reste sans voix, je m?attendais tellement peu à ton appel ! Bien sûr que si, j?ai envie de te revoir et de te parler... Tu sais, je suis toujours aussi malheureux de t?avoir aussi lâchement abandonné...
- Laisse... J?ai envie de te revoir, c?est tout. On se donne rendez-vous ? »
Dès le lendemain, je devais le retrouver après mon travail sur les marches de l?Opéra Bastille. J?appréhendais cette rencontre. Allais-je le reconnaître ? Entre un ado de dix-huit ans et un homme de la quarantaine... Et s?il était chauve ? Devenu obèse (moi-même, je n?en étais pas loin...) ? Et si lui même était déçu par ce que j?étais devenu ? Car d?évidence il ne retrouverait pas l?amant en pleine forme qui ne se lassait pas de lui donner du plaisir... Si, m?ayant reconnu, il fuyait sans rien dire, je n?avais même pas le moyen de le joindre pour essayer une explication. Il ne m?avait donné aucune coordonnée...
J?arrivais à l?avance au rendez-vous. Je trouvais assez facilement un stationnement près de la Place, et fiévreux, me dirigeais vers la grande entrée de l?Opéra. Il était là, assis seul au milieu de ce grand escalier. Dès que j?approchais, il se levait à ma rencontre. Nous nous étions reconnus dès le premier regard.
C?était bien lui. Son allure élancée et gracieuse ne pâtissait pas des quelques kilos venus avec la maturité. Son visage aux traits réguliers était bien sûr plus rond, moins gracile, mais gardait un charme indéniable. Je vis tout de suite que ses tempes devenaient légèrement grisonnantes... Il avait troqué sa tenue de loubard contre un costume de ville plus classique.
Il ressemblait ainsi à monsieur-tout-le-monde, mais je suis sûr que nombre de femmes et quelques hommes devaient le dévisager du coin de l??il en le croisant. C?est ce que l?on nomme un « bel homme ».
Il m?accueillit avec un sourire radieux, mais en me tendant la main...
- « Je suis content... Viens, on va pas rester au milieu de cette place... Je connais un petit troquet sympa près d?ici... »
Devant mon double express traditionnel, je restais muet, profondément intimidé. Que lui dire ? Je me sentais encore tellement honteux de la démarche égoïste d?il y a vingt ans... Je lui demandais de me parler de lui. Qu?avait-il fait lorsque je l?avais quitté ? Il avait attendu la semaine entière, espérant que je change d?avis et que je revienne le chercher... Puis il était allé voir sa s?ur, qui s?était chargée de raccommoder les morceaux avec ses parents. Il était retourné en Algérie finir ses études.
Bardé de diplômes, il était venu s?installer à Paris, mais personne ne s?intéressait à ses compétences. Il en avait « bavé », faisant toute sorte de petits boulots pour survivre. Il avait même été pendant plusieurs mois le « majordome » d?un couple de pédés fortunés dans le 16ème arrondissement !
Il me parlait de ses « petites misères » avec un sourire fataliste et une bonne humeur déconcertantes...
Puis il avait connu un ami sensiblement plus âgé que lui, avec qui il avait vécu de trop courtes années. Il venait de le perdre quelques mois plus tôt, et c?est alors qu?il avait eu envie de partir à ma recherche.
- « J?avais envie de te revoir et de refaire encore une fois l?amour avec toi. Comme ça, sans engagement, sans but. Pour le plaisir de te retrouver. »
Il surprit alors mon regard vers ses tempes si peu grisonnantes, et il sourit.
- « Je sais, et je m?en doutais, tu aimes toujours autant les jeunes mecs, et maintenant je ne suis plus dans ton créneau ! »
Je bafouillais, m?insurgeais. Il ne pouvait dire ça, il était très beau mec et il le savait, et ce qu?il y avait eu entre nous ne pouvait pas être effacé d?un revers de la main. Moi aussi j?avais envie de faire l?amour avec lui. Mais il pouvait comprendre que la surprise était grande et qu?il fallait que je « digère ». Et puis moi, je ne ressemblais plus à l?amant qu?il avait connu !
- « Je ne te demanderai pas l?impossible ! J?ai envie de te retrouver. Tu n?auras rien à faire. C?est moi qui m?occuperai de toi... »
Je ne comprenais pas bien cette phrase étrange. C?est vrai que je redoutais de ne pas être à la hauteur dans le lit. C?est vrai que si je ne l?avais pas connu et rencontré sur un lieu de drague, je n?aurais pas été insensible à son physique, mais je ne l?aurais pas dragué. « Dommage, trop vieux » étaient les trois mots qui sanctionnaient ce genre de situation à l?occasion. Et je m?engueulais moi-même chaque fois, en me disant que, malgré son âge, je pourrais être le père de ce mec là...
Ni l?un ni l?autre ne voulait d?une aventure à la sauvette. Nous convenions d?un rendez-vous la semaine suivante, où je pourrais sans difficulté prendre mon après-midi et être entièrement disponible. Nous nous sommes quittés après avoir échangé nos portables, rendez-vous pris au même endroit quatre jours après.
Je supposais que Mehdi habitait dans le quartier. Je me demandais s?il nous emmènerait chez lui. Je n?y tenais pas trop, ne sachant pas comment les choses allaient évoluer. Et puis, pour parler familièrement, je ne me sentais pas « les cuisses très propres »...
Exact au rendez-vous, il m?accueillit avec la même gentillesse, et d?emblée me dit qu?il préférait que la rencontre se fasse en « terrain neutre ». Il connaissait un petit hôtel tranquille, ne payant pas de mine mais très propre, et il m?y conduisit. J?avais vaguement le sentiment d?être un adolescent détourné par un adulte et conduit vers des turpitudes inconnues...
Arrivés dans la chambre, après une brève étreinte où il me refuse sa bouche, Mehdi me demande de me déshabiller. Il en fait autant, et me fait allonger sur le lit. Instantanément, sa verge est en érection et je suis bouleversé par la plastique impeccable de son corps. N?importe quel homme serait fou d?une pareille occasion. Moi, je ne bande pas.
Il se met à genoux entre mes jambes et commence de savantes caresses sur mon torse et mon bassin. La dextérité de ses mains, secondées quand nécessaire par sa bouche et son visage tout entier qu?il frotte contre mon corps, ne tardent pas à redonner de la vigueur à mon membre fainéant. Il le prend en bouche et obtient rapidement la raideur nécessaire et mes premiers gémissements.
Mais il se garde bien d?accélérer le processus ! Il abandonne ma tige pour lécher et mordiller les poils de mon torse, les tirant et les faisant crisser... Il relève la tête et me sourit... « Tu te rappelles ? ... » Nous sommes alors presque enlacés. Il repose sur ma poitrine, et je sens sa verge ferme et dure titiller mes bourses. Je caresse son dos musclé où je retrouve les reliefs et les frémissements tant aimés. Je cherche à atteindre sa queue. Il se défausse, s?écarte, recommence à me caresser et à me sucer. Je veux atteindre son membre. J?en ai envie, il me bouleverse. Il se dérobe de nouveau. « Laisse, aujourd?hui, c?est moi qui m?occupe de toi. Laisse-toi aller. »
Je me demande un moment s?il ne s?agit pas là d?une forme de vengeance perverse. Il sait très bien, il ne sait que trop, que je ne trouve de réel plaisir qu?en donnant du plaisir à l?autre. Pourquoi cherche-t-il à me frustrer ainsi ?
Mais avec fermeté et assurance, il reprend le processus de mon propre plaisir jusqu?à m?arracher de nouveaux gémissements. Et là, comme un chat joue avec la souris, il arrête sa fellation pour continuer ses baisers et ses caresses sur tout mon corps. Tout y passe. Chaque millimètre de mes jambes est massé, léché, séché par ses mains expertes. Il mordille mes pieds, suçant un à un mes orteils et jouant de sa langue entre chaque doigts. Il est alors debout sur ses genoux, son membre fièrement bandé qui tressaute d?excitation au dessus de moi. J?essaye encore une fois de m?en emparer, mais il se courbe de nouveau pour engloutir ma queue congestionnée.
De nouveau il s?interromps lorsqu?il me sent perdre mon contrôle. Il remonte embrasser mon cou, mes épaules, et avec assurance me fait mettre à plat ventre pour s?occuper de mon dos.
Ce serait donc ça ! Il veut me prendre pour compenser les nombreuses fois où je lui avais arraché des cris de jouissance, enfoncé au plus profond de lui. Mais je suis prêt. Je l?accepte. Qu?importe que mordre l?oreiller ne soit pas du tout mon truc ! Pour lui, je suis prêt à faire n?importe quoi. Sinon par amour, du moins en hommage à de merveilleux souvenirs...
Pour l?instant, il renouvelle ses savants massages et ses baisers sur mes épaules et mes omoplates. Il rit de nouveau. « Maintenant, tu es poilu même dans le dos, j?ai de quoi brouter ! »
Je suis vaincu. Je m?abandonne à ses troublantes caresses, mon souffle parfois se bloque lorsque j?attends que le cheminement de ses lèvres et de sa langue atteigne un point particulièrement sensible. Et lui joue à tarder, à tourner autour sans toucher l?endroit tant attendu. Puis il l?envahit, en prend possession, le fait sien. Et mes gémissements deviennent des râles... Il joue avec encore plus de dextérité lorsqu?il approche de mes parties les plus intimes. Mon petit trou est en feu et appelle ses baisers. Et il tarde. Et il le contourne, et il mordille les poils qu?il tire et lisse de sa langue et de ses doigts. Enfin il prend possession de cet espace si rarement fréquenté, sa langue force le passage et pénètre profondément dans le conduit, allant titiller l?intérieur des sphincters... Je ne sais plus où je suis. Ma tête tourne, je divague. De mes mains, je plaque son visage sur mon fessier, je voudrais qu?il me possède tout entier. Je change de position pour mieux m?offrir à lui. Mais là n?est pas son but. Il joue encore un peu avec ma corolle, me retourne à nouveau sur le dos, relève mes genoux sur mon torse et entreprend de me lécher tout du long, d?un geste continu, du petit trou à la pointe de mon gland.
Il titille le frein, mordille le prépuce, et repart de nouveau vers l?anus qu?il re dévore, re pénètre du bout de la langue avant de repartir en mouvements tournants vers le sommet de ma tige. Ce régime est insupportable. Il doit cesser. Je n?en peux plus. Je serre sa tête à deux mains et essaye de le contraindre à emboucher mon instrument pour achever son ?uvre. Mais il se dérobe, recommence son parcours. Je le supplie. Je lui demande de ne plus me torturer. Que je ferai tout ce qu?il veut. Que je veux jouir et lui donner autant de plaisir à mon tour !
Il reste sourd à mes supplications, continue son ?uvre effroyable. Je ne serre plus sa tête. Mes gestes se sont transformés en caresses, mes doigts s?emmêlent dans ses cheveux. Je gémis, je râle, je crois que je pleure.
Brutalement, sans prévenir, il engloutit mon membre douloureux, sa langue et une douce succion m?emmène rapidement à l?extase. Je ne suis plus capable de rien, encore moins de le prévenir, mais au tout dernier moment il se retire et d?une main ferme guide mes jets qui s?écrasent sur mon ventre et mon torse.
Ses gestes à la fois fermes et doux m?accompagnent vers l?apaisement... Aussitôt, il se redresse et prend son sexe en main. Sans rien faire de plus, sans un geste inutile il s?épanche à son tour sur mon torse. Comme s?il avait attendu mon propre plaisir pour laisser libre cours au sien. Je reste sans voix. Je regarde le produit de nos émotions glisser doucement vers les (rares) creux de mon anatomie... Du plat de la main, il étale nos deux spermes sur mon ventre. Il sourit.
- « Nous voici mélangés une dernière fois... »
J?ai l?impression de déceler une certaine tristesse dans sa voix. Mais il ne me laisse pas le temps de réagir. Il se lève, sa queue encore bandée, et s?enferme dans le cabinet de toilette. Très vite j?entends la douche couler.
Je reste prostré. Jamais de ma vie je n?avais été ainsi un jouet entre les mains d?un homme. Jamais je n?avais perdu la maîtrise de la situation. Il avait joui par moi, mais sans moi. Que va-t-il advenir maintenant ? Quelles vont être nos relations ? Je n?ai pas le temps de pousser plus loin mes interrogations métaphysiques... Il sort de la douche en m?invitant à y aller à mon tour.
Lorsque je sors, il est déjà habillé, il m?attend. Il m?explique qu?il est préférable que nous ne sortions pas ensemble de l?hôtel. Il me fait un salut de la main et sort de la chambre en lançant un « On se téléphone bientôt, Ok ? ». Penaud et quelque peu meurtri, je rentre chez moi.
- Je n?ai plus jamais eu de ses nouvelles ;
- Je n?ai cessé de laisser des messages sur son téléphone portable, en vain.
- Quelques semaines plus tard, son numéro n?était plus attribué... Je n?avais aucune piste...
Il y a un peu plus d?un an que tout ceci est arrivé... Je n?ai toujours rien compris. J?ai imaginé le pire en cherchant à interpréter cet étrange adieu. Comment avait-il perdu son ami ? Etait-il lui même malade ce qui aurait pu expliquer son refus de se donner à moi ? Etait-ce une vengeance, m?en voulait-il de l?avoir abandonné ? Etait-il devenu sadique et cruel ? Que sais-je ?
Mais, à l?intention des commentateurs moralistes de ce genre de rubrique, Croyez-vous que l?on est plus heureux ou qu?il est plus moral de vivre au grand jour de la gaietitude un amour faussement fidèle, où les abandons et les trahisons sont si fréquentes à en croire la présente rubrique ?
Mais je m?égare, il n?y a aucun rapport.
Une seule morale à cette histoire (AUTHENTIQUE !) :
Vivez intensément ce que vous vivez Il en reste toujours quelque chose !
Ton histoire est à la fois belle et dramatique. Derrière elle s'étale toute une cohorte de doutes, de frustratons, de souffrances.
L' Amour existe bien dans notre petite communauté. Son grand problème, c'est qu'il ne connait pas la demie-mesure.
Sentiment rarissime et passionnel, il ne survit pas aux poids des constantes sociales et à l'appel d'autres chairs toujours plus exhaltantes.
C'est dont ça nos vies.