25/11/2011 Dans un pays où l’homosexualité a été retirée de la liste des maladies mentales en 2001, indépendance financière et éloignement des familles permettent aux jeunes lesbiennes de vivre leur sexualité librement. Reportage, à Kunming, au sud-ouest de la Chine. Il est encore tôt, ce samedi soir. Dans le bar aux canapés rouges, une quinzaine de filles tout au plus. Par groupes de cinq ou six, elles discutent, accoudées à de grandes tables noires, en sirotant leur Dali, la bière locale, dans des verres à shooters. Une chanson en espagnol, tirée du film 2046, du célèbre réalisateur hongkongais Wong Kar-wai, se fait entendre au-dessus des discussions animées et des rires. Une atmosphère conviviale et tranquille, interrompue seulement par les salves de musique techno qui entrent quand la porte s'ouvre. Le Ta-Ta («elle-elle» en chinois) est l'un des deux bars lesbiens de Kunming, une ville de 7 millions d'habitants, en pleine expansion, et la capitale du Yunnan, une région pauvre du sud de la Chine. Le bar est situé en plein cœur de Kundu, où pullulent les boîtes de nuit les plus kitsch -l'une a la forme d'un temple grec- et où se croisent la jeunesse chinoise branchée et les «expats», venus dépenser leur argent. «Au lycée, ça n'a pas posé de problème» Au Ta-Ta, la clientèle est exclusivement chinoise: des filles qui ont entre 20 et 25 ans, et qui pour la plupart ont quitté leur région natale. C'est le cas de Jingyan, 22 ans, une petite brune à fossettes et aux yeux rieurs, qui étudie le français. Originaire du Hebei, une province agricole à la périphérie de Pékin, elle avoue profiter ici de l'éloignement de sa famille, restée à l'autre bout du pays: «Mes amis savent que je suis lesbienne, mais pas mes parents. Je devrais leur dire, mais c'est trop dur.» Sa première copine, elle l'a pourtant rencontrée dans sa ville d'origine, alors qu'elle avait 15 ans. «Nous étions au lycée, ça n'a pas posé de problème. Les jeunes sont plus ouverts. Au lycée comme à la fac, on s'affiche plus facilement.» Jingyan analyse la situation en termes de génération: «En Chine, la génération des années 80 a marqué un tournant décisif. De nombreux changements sont arrivés dans la société grâce à elle. Des changements dont nous, les plus jeunes, profitons aujourd'hui. C'est particulièrement vrai pour les lesbiennes: beaucoup ont fait leur coming out à cette époque, et cela nous facilite les choses aujourd'hui. Mais avec les parents, c'est beaucoup plus difficile.» Tomboy et pretty tomboy 23 heures et le bar est déjà plein: ce soir, c'est Karaoké, le passe-temps favori des Chinois. Pour l'occasion, quelques amis gays se sont déplacés et rejoignent l'estrade pour chanter. L'un d'eux demande à celle qui l'accompagne, Linying de les rejoindre. En vain. Cheveux courts et t-shirt de marque, Linying préfère exhiber fièrement des photos de sa petite amie sur son téléphone portable: «Elle est belle, hein?» Belle oui, mince, pâle, les cheveux longs. Fidèle aux canons de la beauté asiatique, et aussi féminine que Linying est masculine. Jinyang explique: «En Chine, si tu es lesbienne, tu te définis comme T ou P, et souvent il y a les deux dans un couple.» Comprendre «Tomboy», garçon manqué, ou «Pretty tomboy», version féminine. A 24 ans, Linying est financièrement indépendante et vit loin de sa famille. «Je préfère ça plutôt que d'être forcée de me marier à un homme. Je connais des filles à qui c'est arrivé, les parents ont fait pression.» Linying a déjà tenté d'aborder le sujet: «J'ai essayé de dire à ma mère que j'étais lesbienne, confie-t-elle. Elle n'a pas voulu me croire. Je n'en ai plus jamais reparlé.» «Je fais comme si je n'avais pas de parents» Xuan, 22 ans, est serveuse au Ta-Ta depuis quelques mois. Derrière ses lunettes sans verres, elle raconte qu'elle est arrivée il y a un an à Kunming, pour suivre sa copine, étudiante. «Je travaille ici tous les soirs, pour 9 000 yuans par mois (1 030 euros, ndlr)». Un salaire énorme à l'échelle de la Chine, où la moyenne est de 2 000 yuans (230 euros). Xuan se voit vivre à Kunming encore longtemps: «J'ai fait des études de journalisme. J'ai travaillé pour des magazines, mais ça ne payait pas assez, alors j'ai arrêté. Je voudrais ouvrir mon propre bar, ou une boutique de vêtements.» Quant à sa famille, elle est restée en Mongolie intérieure, aux confins de la Chine du nord. «Mon père est un peu violent, confie-t-elle, alors je préfère ne pas le voir. Je fais comme si je n'avais pas de parents.» |
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